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Assaillie!

« La saillie ! La saillie ! ». La première fois que j’ai entendu un marchand ambulant hurler ça sur une plage au Brésil je me suis roulée de rire sur mon paréo. Pour ma défense, je découvrais le Brésil et ma compréhension phonétique du mot « Açaï » avait du être altérée par la consommation de cachaça au soleil.

En fait, ces sportifs qui vous « assaillent » d’incantations publicitaires et de blagues arpentent le sable de long en large et rivalisent d’imagination pour vous vendre du … sorbet !

L’açaï, c’est une baie d’Amazonie de couleur violet foncé qui ressemble à une myrtille, avec un faux goût de chocolat, très énergétique, avec d’extraordinaires propriétés anti-oxydantes. Il se déguste en glace, tout seul ou bien accompagné de muesli, ou mélangé dans un milk shake (bombe calorique garantie). Les brésiliens en raffolent et en dégustent à toute heure de la journée.

Ma vidéo d’un vendeur d’açaï qui arpente la plage d’Ipanema avec son mégaphone porte-voix : c’est le show!

Açaí – Djavan

Fitas Senhor do Bonfim_1

Faites un voeu!

Mes premières négociations commerciales datent de la mode des bracelets brésiliens, je devais être en CM2. Ces ornements faits maison, tressés en fil de coton, aux bandes colorées alternées ou motifs géométriques plus élaborés, s’attachent au poignet en faisant un vœu. J’étais fascinée par ce petit rituel votif, j’aimais l’idée de porter une intention et la voir évoluer.

Le porte-bonheur flambant neuf vit sa vie, exposé aux douches, frottements, contacts répétés et titillements du porteur. Un jour il finit par tomber, on ne sait jamais quand, et alors opère la magie, la réalisation du vœu. Rien ne sert de forcer les choses, évidemment si on le découpe ça ne marche pas !

Bracelets brésiliens tressés_1

J’avais repéré une fille de 3ème qui vendait les bracelets à prix d’or (2 francs) aux nabots de l’école primaire. Je lui ai fait quelques achats qui valaient alors leçons de business : valider une date de livraison, s’assurer du cahier des charges, relancer avant l’échéance, évaluer le produit à la réception… Bref, très vite j’ai eu envie d’autonomie et j’ai mis à profit toutes les occasions pour apprendre. Dès que je voyais un porteur de bracelets c’était : « tu sais les faire ? tu m’apprends ? » Et oui à l’époque il fallait se débrouiller sans Google.

Et c’est comme ça que j’ai mis les pieds dans une mercerie pour dénicher la matière première et que j’ai rejoint la bande des artisans des bracelets brésiliens. Le Brésil à ce moment était bien loin de mes préoccupations. Je crois même que je ne me suis pas penchée sur le sujet avant le bac, quand j’ai affiché une carte du Brésil (et le sujet d’annales associé : « Brésil, un nouveau géant ? ») sur la porte des toilettes pour réviser l’histoire-géo.

Peu à peu la mode est passée et l’adolescence a fait le reste, les bracelets brésiliens ont été relégués aux oubliettes.

Des années  plus tard, quand j’ai débarqué à l’aéroport de Salvador de Bahia et qu’une grande mama noire habillée en bahianaise m’a accueillie en me nouant un bout de tissu de couleur autour du poignet, j’ai replongé !

La « fita », c’est le nom que l’on donne à ces petits rubans votifs sur lesquels est écrit « Lembrança do senhor do Bonfim », souvenir ex-voto pour les fidèles venus payer leur promesse en remerciement d’une guérison auprès de la statue de Jésus Christ Seigneur de Bonfim (Seigneur des belles fins), du nom de la plus célèbre église de la ville. Chaque couleur symbolise également un des « Orishas » (divinités africaines importées par les esclaves Yoruba), ce qui fait de la « fita » une représentation symbolique intéressante du syncrétisme religieux typique des racines africaines de Bahia. Galvaudés par les hippies et vendus aux touristes, ils sont devenus un emblême de l’état de Bahia et sont reproduits sur les articles de souvenirs jusqu’à l’écoeurement.


J’ai pris plaisir à prendre tout ça très au sérieux, tout de suite… J’ai fait trois vrais vœux, gardés secrets, un par noeud magique, en fermant les yeux et en y croyant de toutes mes forces. Il est tombé tout de suite ! Je ne sais plus si le vœu s’est réalisé, mais je m’en fiche, ce que je préfère, c’est le rêve.

L’année d’après j’ai osé 2 bracelets, un rouge et un bleu. Le rouge a duré un mois et m’a comblée. Le bleu, lui, a pris son temps pour relever le défi, tout propre au début, lumineux, avec son inscription en noir bien lisible. Et puis la couleur est passée, les lettres se sont effacées, le bout de tissu effiloché est devenu un truc informe…J’ai résisté à l’arracher, parce sinon, pffffiout, finie la féérie ! Deux longues années à me trimballer un bout de fil douteux au poignet…c’est que le challenge était audacieux, mais croyez moi, je ne l’ai pas regretté.

Découvrez : 

Seu Jorge et Vanessa da Mata, parmi mes artistes brésiliens préférés, réunis pour chanter

« Boa reza » (sourire, danser, ça c’est une bonne prière)

Maria Bethania, une grande dame de la chanson brésilienne

Brincar de viver (jouer à vivre) – pour ne pas prendre trop la vie au sérieux…

Havaianas

T’as tes tongs?

J’ai toujours aimé les tongs. Gamine, ça voulait dire les vacances au soleil, au chaud, les petits pieds tous blancs en liberté dans le seul modèle de l’époque, une lanière en tissu arc en ciel reliée à une semelle noire au couinement spongieux. Je trainais mes savates à la mer ou à la piscine, dans les pinèdes, la garrigue ou les vignes, environnements alors synonymes de paysages aux odeurs et couleurs très exotiques pour une jeune normande.

« T’as tes tongs ? » ça sonne bien ! Les pragmatiques anglais les appellent « flip flop », les canadiens eux disent « gougoune », là j’ai du rater quelque chose. Pour moi, entendre à mes pieds leur « clap clap » si caractéristique dans mon appartement parisien a toujours eu un effet pavlovien de détente immédiate. J’ai essayé différents styles : en plastique odorant chinois, à sequins balinais, zori japonaises en paille, en cuir du Maghreb, sud-africaines increvables en pneu… sans pour autant succomber aux claquettes, je tiens à le préciser ! Impossible de chausser ces vilaines cousines éloignées dont la bande velcro horizontale sous les orteils évoque pour moi les cures thermales ou les embouteillages d’estivants sur la côte d’Azur.

Au Brésil, premier producteur mondial, la référence en la matière (caoutchouc) est la marque Havaianas, lancée dans les années 60, et dont le nom est presque devenu un générique pour les « chinelos», les tongs en portugais. Comme les brésiliens sont fiers du « made in Brasil », les Havaianas se retrouvent parmi toutes les classes sociales. Il y en a pour tous les goûts et à tous les prix : basiques, colorées, décorées, compensées, accessoirisées… Leurs semelles sont usées dans tout le pays : blanches tout terrain achetées au supermarché du coin ou talons chatoyants et dessus strass de couleur assortie à la manucure …

Au paradis de la tong, hommes et femmes vont nu-pieds toute l’année, sans avoir l’air de touristes ou de glandeurs asociaux. Surement une des raisons pour lesquelles au Brésil, je me suis sentie tout de suite à l’aise dans mes pompes.

Havaianas chegueiii Havaianas globe trotteuses

Sandália de prata (sandales d’argent) – João Gilberto